Én/Furusato Osamu et Furoshiki(2025)

Un furoshiki pour marcher ensemble dans la vie qui continue malgré tout

〈Furusato Osamu et Furoshiki〉 est un groupe de rock composé de trois membres aux parcours variés. Osamu Furusato (Vo/Gt), propriétaire du restaurant Uminecocurry situé à Hatagaya, Tokyo, est également le fondateur du groupe de rock 〈uminecosounds〉. Yorimasa Fujimura (Dr.), ancien membre du groupe 〈Siamese Cats〉, travaille aujourd’hui dans le domaine de l’aide sociale. Yubun Higuchi (Ba), ami de Fujimura depuis l’université, est quant à lui sous-prieur du temple bouddhiste à Kōfu, dans la préfecture de Yamanashi.
Comme mentionné plus haut, aucun des membres ne vit exclusivement de la musique. Chacun mène une carrière principale en parallèle de ses activités musicales. Furusato décrit leur projet comme une forme d’« art paysan », au sens évoqué par Kenji Miyazawa [1].

L’« art paysan » est un concept présenté par Kenji Miyazawa dans son ouvrage « Le résumé de la Théorie générale des arts paysans ». Sa définition reste floue, mais l’idée générale serait de « faire de la vie elle-même une œuvre d’art » [2]. Le son produit par ces trois musiciens enracinés dans une autre réalité que celle de la musique professionnelle respire l’authenticité d’un quotidien vécu pleinement. Il ne s’agit en aucun cas d’un repli vers l’amateurisme.
Bien au contraire, leur démarche semble creuser les couches du réel jusqu’à frôler un abîme, comme une tentative sincère – presque démente – d’atteindre les profondeurs du monde.

La première moitié de l’album est composée de nouvelles versions de morceaux issus du groupe 〈uminecosounds〉. Le morceau d’ouverture, « Machi no akari(les lumières de la ville) », fait entendre la voix de Furusato, fluide et presque murmurée, sur une instrumentation douce et mesurée. Puis, dans les dernières minutes, le solo de guitare explosif du musicien invité Takuro Okada surgit tel un flot libéré, accompagné d’un chœur chaleureux qui glisse par-dessus. On y ressent la répétition du quotidien, les éclats de lumière qui s’y mêlent, et le chaos latent de Tokyo, dessinés en contraste saisissant.
Sur le troisième morceau, « Yuyake(Embrasement du soleil couchant) », la tonalité de Furusato est légèrement abaissée par rapport à l’enregistrement original de 〈uminecosounds〉, et l’expression des paroles a été subtilement modifiée. Ce léger changement suffit pourtant à transmettre une certaine amertume de l’âge adulte, comme empreinte du temps écoulé. Jouée en formation simple de trois musiciens, la chanson garde une texture douce et organique, évoquant une émotion qui serre la poitrine.

La seconde moitié de l’album introduit des morceaux inédits. Le sixième titre, « Arié-nainé(C’est impossible) », se distingue par une ligne de basse répétitive et un outro aérien, construit autour de cette même ligne. Les paroles, centrées sur le déroulement d’une journée, et les motifs qui se répètent, laissent filtrer une tendresse sincère pour la banalité quotidienne.
Le morceau « Ryusui(Eau courante) », qui marque les débuts du groupe, compare la séparation à l’écoulement de l’eau. En méditant sur ce qui continue malgré l’absence, le morceau clôt l’album tout en douceur.   

 


« On aimerait que des personnes épuisées puissent l’écouter », « Nous lançons, peut-être un peu brusquement, des mots doux à celles et ceux qui sont fatigués ou tourmentés », « Si cela leur redonne de l’énergie, alors nous en serions heureux » [3]. Comme le disent eux-mêmes les membres du groupe, cette œuvre possède une chaleur qui touche les cœurs blessés et les âmes lassées par la vie.
Peut-être est-ce parce que les membres exercent des métiers divers – « restauration », « aide sociale », « sacerdoce » – mais unis par une dimension commune : celle du « soin », au sens large. On pourrait même supposer que ceux qui prennent soin des autres sont aussi ceux qui, souvent, accumulent eux-mêmes les douleurs invisibles. Cette musique, née pour soulager leurs propres fardeaux, devient à son tour une source de réconfort pour d’autres.

Le titre de l’album, « Én », m’a évoqué la forme d’un cercle, symbole d’un cycle bienveillant.

Dans le clip vidéo, on perçoit l’atmosphère paisible des sessions d’enregistrement, semblables à une retraite. Les repas soigneusement préparés renforcent encore cette impression d’attention portée à soi, de soin collectif.


Ce n’est pas une œuvre qui cherche le spectaculaire ou l’ostentation. Elle respire plutôt une humanité proche, familière – une douceur qui enveloppe comme un furoshiki, ce carré de tissu léger capable de porter les charges lourdes de l’âme. Un album qui fait entendre sa voix dans un coin du monde.
Et moi, dans ce même coin du monde, j’écoute cet album, je laisse couler quelques larmes en pensant à mes douleurs, et je me prépare à accueillir un nouveau demain.



Références
[1][3] Mikiki by TOWER RECORDS「古里おさむと風呂敷き、この3人ならではの優しい音楽――後藤正文や岡田拓郎も貢献した1stアルバム『えん』を語る」(2025/1/29)
[2] Hiroya Ichikawa(2019),「A Contemporary Interpretation of “Farmer’s Arts” From the Perspective of a Theory of Local Arts」Journal of Art Education Research, academic conference for Art Education in Universities No.51, 25-32